Le plongeur employé par Sally Mullin était convaincu d’avoir provoqué l’incendie de la taverne-salon de thé. Il croyait avoir mis les serviettes à sécher trop près du feu, comme il l’avait déjà fait une fois. Mais il en fallait plus que ça pour l’abattre. À ses yeux, tout revers de fortune était un coup de chance qui ne voulait pas dire son nom. Fort de ce principe, il construisit une petite roulotte toute bringuebalante avec laquelle il se rendait tous les matins devant la caserne afin de vendre des saucisses et des pâtés en croûte aux hommes de la Garde. La composition de ses produits variait en fonction des denrées disponibles. Il travaillait dur, passant ses nuits à fabriquer les pâtés et les saucisses qu’il écoulait durant le jour. Les gens du Château constatèrent bientôt une augmentation alarmante des disparitions de chiens et de chats, mais nul ne relia ce phénomène à l’arrivée soudaine de la roulotte du jeune homme. Et quand une épidémie d’intoxications alimentaires ravagea les rangs de la Garde, on incrimina la cantine de la caserne. Le jeune vendeur de pâtés et de saucisses continua à prospérer et jamais, au grand jamais, il ne goûta une de ses spécialités.